Vivre et aimer

Élisa
(Éla)

Pour celles et ceux qui disparaissent avec l’amour au fond du cœur et en particulier pour Élisa, dont je ne sais rien de plus sinon qu’elle traversa mon sommeil une nuit du mois d’avril de l’année 2024.

Élisa, sois vraiment toi-même, douce Éla,
Que ton cœur, en aimant, que le Destin héla
Pour lui rappeler d’être un peu comme il l’entend,
Ait l’heur de disparaître heureux, grave et content.

Car le Destin, vois-tu, décide ; s’il est là,
C’est sa moindre vertu. Non, ne dis pas : « Hélas ! »,
Il est notre témoin, sage qui n’en attend
Rien de plus, rien de moins que partir en son temps.

Je ne te connais pas, chère Élisa ; ces vers
Qui chantent ton trépas, c’est le vaste Univers
Qui me les dévoila pendant que je dormais.

Puis au petit matin j’en ai fait ce sonnet ;
Il faut, charmante Éla, je le sais désormais,
Suivre notre Destin. Pourquoi s’en étonner ?

Annonay, dimanche 21 avril 2024

© Le Lion 07

Les trois mousquetaires

Aramis

Tout en finesse – et quel style !
De maintes ruses subtiles
Adepte sans se troubler,
C’est le chevalier d’Herblay.
Séducteur aimé des femmes,
Remède de bonne fame
À la solitude, il sait
Les convoiter sans excès.
Pourtant, cause éventuelle,
Par la vie spirituelle
En outre il est attiré.
Alors : amant ou curé ?
Aramis, l’homme du doute
Que ses ennemis redoutent
Et que ses trois amis louent.
Il avance à pas de loup,
Réfléchi, discret, habile,
Tout en finesse – et quel style !

Aramis l’ambitieux,
Compagnon délicieux
Des femmes qu’il a séduites
Mais qui pour tout dire hésite
Quand il faut envisager,
Cœur et âme partagés,
L’amour concret qu’on espère
Et celui de Dieu le Père.
Pétri d’ambiguïté,
Il cherche sa vérité
Parmi les femmes qu’il aime
Et parmi, cruel dilemme,
L’amour qu’on dit absolu
De Dieu tel qu’Il l’a voulu.
Mais quoi qu’il en soit, sans trêve
Il veut que vivent ses rêves,
Résolu, don précieux,
Aramis l’ambitieux.

Annonay, mercredi 17 avril 2024

© Le Lion 07

Chansons, fables et pamphlets

Chaque jour
(Prières pour honorer ou : Les quatrains de la basse-cour)

Chaque jour, fermière, où que ton cœur frivole aille,
Tu dois, sans nul courroux, honorer la volaille ;
C’est elle qui nourrit de beaux œufs tout mimis
Tes enfants, ton mari, tes parents, tes amis.

Chaque jour qui s’écoule au bord de l’enclos, ah qu’
Soient honorés la poule et son noble cloaque ;
Sans eux en vérité, fringants comme pas deux,
Le gourmet dépité ne mangerait pas d’œufs.

Chaque jour qui paraît, geste fort délicat, n’
Manque pas d’honorer, ce serait délit, canes
Et canards de l’étang qui tout à leurs coin-coin
Nagent par tous les temps dans ses moindres recoins.

Chaque jour n’oublie pas, conseil de baladin, d’
Honorer sans faux-pas et sans débat la dinde ;
Sa réputation est injuste, elle qui
Sans ostentation pond des œufs très exquis.

Chaque soir, sois heureux, ô toi qui te pintas, d’
Faire honneur, valeureux ivrogne, à la pintade ;
Pauvre commis de ferme aux pas mal assemblés,
Vois comment, patte ferme, elle va sans trembler.

Annonay, vendredi 12 avril 2024

© Le Lion 07

Les Chants de la Matrice

Les Chants de la Matrice
Chant VIII

Personne, ni la Matrice,
Méchante affabulatrice,
Ne saurait, esprit pervers,
Échapper à l’Univers
Et lui désobéir, même
La Matrice aux idées blêmes
Qu’Univers a mise là
Pour qu’elle fasse cela,
Qu’elle envoûte l’assistance
Des humains sans consistance,
Des hommes mal dégrossis,
Hommes et femmes aussi,
Pour que leurs âmes novices
Connaissent le mal, le vice
Et lui disent : « Vous mentez ! »
Sitôt expérimentées.
Et nous seuls, âmes folâtres,
Poètes (voir le chant IV),
Inquiétons, inspirés,
La Matrice exaspérée.
« Ces sires-là, ces poètes,
Sont de fort méchantes bêtes,
Des originaux, des fous
Hostiles aux garde-à-vous,
À la servitude, à l’ordre,
Prompts à rire autant qu’à mordre.
Mais ils versifient en vain
Et sont bien mauvais devins,
Qui dévoilent, turpitude,
La fin de la servitude.
Et j’aurais, d’effroi saisie,
À craindre la poésie ?
Pitoyable agitatrice ! »
Ainsi parle la Matrice
Pour mieux se persuader
Qu’il n’est bon qu’à parader,
Le poète imprévisible
– Qui pourtant voit l’invisible.

Annonay, lundi 8 avril 2024

© Le Lion 07

Vivre et aimer

Lettre au rêveur à la clé

Tu possèdes la clé qui peut ouvrir la porte
Du monde intérieur où tu rêves parfois ;
Cela se passe ailleurs ; tu es souventes fois
Ce dormeur encerclé de rêves qui transportent
Des archanges rieurs venant jurer leur foi
Qu’ils t’aideront toujours à vaincre sans malice
Les tristes cauchemars du rêveur apeuré.

Les rêves que chamarre un grand Soleil doré,
Les songes où l’Amour tout doucement se glisse,
La Lune sur la mare, orbe démesurée,
Sont de ce monde-là ; la clé que tu possèdes,
De ce vaste univers où tu rêves souvent,
Que le poète en vers imagine en rêvant,
Ouvre cet au-delà.

Gloire au rêveur qui cède
En rouge, en jaune, en vert, coloris émouvants,
À la tentation de mettre en la serrure
De la porte qui clôt son monde intérieur
Sa clé ; que les sanglots, manne des larmoyeurs,
De toute affliction malheureuses parures,
En demeurent forclos, tourments inférieurs.

Alors tourne la clé, tourne-la et pénètre
Ce monde fabuleux dont tu rêves la nuit,
Ose, découvre-le, seule la crainte nuit,
Qui pousse à renâcler le doux rêveur, de n’être,
C’est juste scandaleux, sur les coups de minuit
Pas digne d’accueillir les rêves que chamarre
Un grand Soleil doré, l’Amour si précieux,
L’orbe démesurée, venue du fond des cieux
Sans jamais défaillir, d’Artémis sur la mare
Et des anges parés d’un souris gracieux.

L’adorable séjour… Bientôt la nuit t’inspire
Des rêves ravissants que hantent des Soleils
Aux feux éblouissants, à l’éclat nonpareil
Et des belles de jour qui pour ton cœur soupirent,
Fugace amour naissant aux creux de ton sommeil.

Le rêveur à la clé, c’est toi, c’est moi, sensibles
Qui croyons sans effort aux Soleils chatoyants,
Aux archanges si forts qu’il n’en est plus vaillants
Et à Phœbé cerclée de son orbe impossible.

Dedans ton monde, fors les cauchemars bruyants
Du rêveur atterré, tout est permis sans doute,
Les astres qu’Univers engendre sans compter,
Artémis à l’envers dans la mare effrontée,
Les grands Soleils dorés et l’Amour que redoute
La peur, être pervers qu’Amour seul sait dompter.

Tourne la clé, vas-y, tourne-la et pénètre
Ce monde fabuleux plein de songes charmants,
Tourne la clé, fais-le et deviens en dormant
Celui qu’aura choisi l’Amour pour mieux renaître.

Cet Amour, aime-le.

À toi, sincèrement,

Le poète endormi.

Annonay, jeudi 28 mars 2024

© Le Lion 07